Le cormoran du Ramier

Je suis seul à regarder ces litres d’eau s’écouler.
De nombreux déchets sont aussi venus s’accumuler.
Comment faire pour manger ? Comment les trier ?
Les grilles d’acier de cette centrale ne pourraient-elles pas me mettre les jolis poissons de côté ?
Je ne suis pas compliqué, je demande juste qu’ils n’aient pas ingéré de plastique,
Ni d’autres particules toxiques.

Autrefois, on voulait me protéger.
Aujourd’hui, on veut me chasser.
Un jour symbole à préserver, le lendemain nuisance à éliminer.
Me voilà comme le sanglier.
Ma population a grandi, je ne suis plus en danger.
Nous serions trop nombreux, des voleurs de ressources.
Les pêcheurs nous haïssent.
Les pisciculteurs nous redoutent.

Comment je fais pour manger ?
Ah, si ! Je ne l’avais pas vue.
Elle est sur le côté, cette passe à poissons.
Les humains me les ont bien triés.
Vont-ils pouvoir voyager comme ils le voulaient ?
Protégés mais guidés pour se reproduire,
Qui est vraiment leur ennemi, qui doit éviter de leur nuire ?

Moi, j’ai besoin qu’ils soient forts, qu’ils soient sains.
Ils n’ont pas besoin d’être parqués dans des bassins.

À côté de cette passe, on peut lire « Danger, accès interdit au public. »
Pourquoi les humains construisent-ils des infrastructures
Qui pourraient nuire à ceux de leur espèce ?

« Danger, accès interdit au public. »
Ne puis-je donc pas y aller ?
Je suis seul à regarder ces eaux sur l’île du Ramier.
Aujourd’hui, personne ne pourra m’empêcher d’y pêcher.
Demain, nous serons pleins, je ne serai plus seul.
Mais pour autant,
Nous ne serons peut-être plus là pour très longtemps.

Ici, on nous chasse.
Ailleurs, on nous dresse, on nous attache.
Toujours, l’humain nous façonne à son besoin.

Moi, Grand Cormoran,
Je vous demande solennellement :
Pourquoi, si la nature nous a créés,
Vouloir autant nous éliminer ?

Moi, Grand Cormoran,
Qui pêche par faim,
Rarement plus que par besoin.

"J’ai écrit ce texte le soir du 14 mars 2025, après ma journée de travail. Pourtant, l’image qui l’a inspiré m’est venue le matin même, en traversant l’île du Ramier, devant la centrale hydroélectrique. J’y ai aperçu un cormoran solitaire, perché au bord de l’eau, scrutant les flots comme s’il réfléchissait.

Ce jour-là, il n’y avait pas de déchets visibles, mais j’en avais déjà observé après des orages, charriés par le courant. Intriguée par cet oiseau que je voyais régulièrement, j’ai voulu en savoir plus sur son histoire. Je ne savais pas alors que le cormoran avait été d’abord protégé, avant d’être chassé, perçu aujourd’hui comme un destructeur pour l’homme.

Avec ce texte, je n’ai pas cherché à nier les difficultés que rencontrent les pisciculteurs et les pêcheurs face à sa présence. Mais je voulais mettre en lumière le paradoxe de notre relation avec la nature : protéger une espèce un jour, puis la considérer comme nuisible le lendemain.

Au-delà du cormoran, ce texte pose une question plus large sur l’impact global des activités humaines sur les écosystèmes. Les cours d’eau ne sont pas seulement affectés par la prédation des oiseaux, mais aussi par la pollution, l’aménagement des rivières, la surexploitation des ressources et les déséquilibres que nous créons nous-mêmes.

Comment trouver un équilibre entre la préservation des espèces, le respect du travail humain et la protection des milieux naturels ? Ce texte ne cherche pas à donner une réponse, mais à ouvrir un débat, à interroger notre place dans cet équilibre fragile.."

Cateline Sola, le 14 mars 2025

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Il y a des jours où une simple réunion interminable me donne envie d’inventer des maladies absurdes. D’autres fois, un match de rugby aperçu à travers la vitrine d’un pub m’inspire des images de batailles urbaines. Parfois encore, une boîte vide de gâteaux basques me pousse à imaginer des larcins nocturnes mystérieux.

C’est comme ça que ces textes sont nés. D’un rien. D’un tout petit éclat du quotidien.

Chaque moment, aussi banal soit-il, cache en lui une histoire. Il suffit parfois d’un regard différent, d’une pensée furtive ou d’une émotion trop forte pour qu’un univers prenne forme. J’ai voulu capter ces instants, les figer sur le papier, tout en floutant la frontière entre la réalité et la fiction.

Ce recueil est un journal déguisé.
Chaque texte est né d’une situation réelle, d’un moment vécu ou observé, que j’ai étiré, déformé ou parfois sublimé. Mais derrière chaque histoire, il y a une graine bien réelle — que je dévoile juste après chaque texte.

C’est un jeu de miroirs. Entre ce que je vis et ce que j’imagine. Entre l’instant et l’histoire qu’il pourrait devenir.

Et puis, il y a vous. Peut-être reconnaîtrez-vous des fragments de vos propres journées dans ces chroniques. Des petits riens qui, au fond, ne le sont pas tant que ça.

Bienvenue dans ces Chroniques de presque rien — ces Chroniques du quotidien — où l’ordinaire devient un prétexte à l’imaginaire.
 

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